Philippe Hunt

2007 – texte de Philippe Hunt ; exposition Josée Leybaert, Galerie 2016 (7 juin au 14 juillet), rue des Pierres, 16, B-1000 Bruxelles


Recouvrer et comment


: Souvent, trop souvent me semble-t-il, dans le contemporain de l’art, on est condamné à se contenter soit d’œuvres, d’objets obstinés qui se donnent ou se refusent au voir, qui sont beaux, intéressants, sublimes, caractéristiques (quel que soit l’adjectif de la saison), mais qui semblent rivés dans un certain silence, un certain isolement, parfois aggravés par un titre redondant ou un bavardage (auto)biographique – ou alors d’une démarche, de discours, de parega et paraphernalia qui sont aussi intéressants (parfois) que leur mise en œuvre ou leur occasion est (souvent) indigente, comme si la distance arbitraire d’une allégorie distendait et distordait le rapport entre l’œuvre et son pourquoi (son pour quoi), comme si l’objet le plus pauvre pointait eo ipso vers le (non)sens le plus profond, allégorie presque fortuite, objet presque superflu.


: Rien de tel chez Josée Leybaert, où la démarche, le discours c’est ce qui fait et défait chaque œuvre par elle-même, par la suivante, par effacement, par recouvrement, si ce n’est la même chose. Au regardeur-lecteur donc de reconstituer ce qu’il peut de ce voyage, de ce tissage-détissage – et bien sûr il pourra amener à son travail, à son retissage un peu d’Homère, un peu de Lacan, un peu de supplément derridien, que sais-je encore. À lui, à elle de reconstituer ou mieux de le poursuivre, de faire de lui, elle aussi un travail de gravure comme effaçage, d’effaçage comme gravure, à partir d’un de ses paysages, quotidiens ou exotiques, extérieurs ou intérieurs. La vie, en d’autres termes.


: »…qu’un tableau n’est pas seulement une surface, mais l’ombre ou le miroir d’un geste, le lent travail d’un corps animant un outil – ou si l’on veut que c’est aussi cela de la peinture, la poésie : recouvrir une surface, c’est-à-dire la cacher, combler le vide des toiles ou des pages par un assaut de couleurs, de traits, de signes qui le multiplient autrement. Car il y a toujours un recto, un verso : des choses tues derrière les choses dites… » Yves di Manno : « endquote », page 32.
: C’est donc un monde qui ici se fait, se déploie, un monde fait de gestes inlassables, de gestes qui défigurent, qui dé-prennent une figure d’elle-même, qui ne l’autorisent plus à prendre, mais qui donnent – ces plages.


: Pas très technique tout ça ! Et certes d’autres discours, plus autorisés, pourraient s’imposer, vouloir s’imposer. Celui-ci est dicté, seulement, par l’amitié, par l’admiration, inséparablement, d’un parcours et de ses étapes. D’un Holzweg, si vous voulez.

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